Ode à un fantôme : Le pire joueur de l’histoire du LOSC était dans mon coffret
Vous connaissez ce sentiment. L’impatience. L’album Panini de la nouvelle saison est sorti, et vous venez de craquer pour un coffret flambant neuf de paquets LOSC Lille. Vous ne faites pas que collectionner ; vous créez un musée de votre club bien-aimé. Chaque déchirure de l’aluminium est une promesse : un Jonathan David, un Tiago Djaló, un souvenir de gloires passées avec un Yazici ou un André.
Et puis, vous le tirez.
La carte dont vous ignoriez l’existence. Le nom que vous n’avez vu qu’en faisant défiler la page Wikipédia du club jusqu’en bas et en plissant les yeux. Le joueur dont la photo ressemble moins à un athlète professionnel qu’à un gagnant de concours qui a pu enfiler l’uniforme le temps d’une journée.
Vous avez la carte du pire joueur de l’histoire du LOSC.
Les statistiques au dos sont un chef-d’œuvre de minimalisme, un haïku du désespoir :
Apparitions : 1 Minutes : 1
Une minute. Soixante secondes. Le temps de réchauffer un bol de soupe au micro-ondes. Voilà toute sa contribution, monumentale, à l’histoire légendaire des Dogues. Il n’a pas lancé de révolution ; il a été un cigare de la victoire humaine, sorti à la 94e minute d’un match déjà gagné, dans le seul but de tuer quelques précieuses secondes et d’obtenir une poignée de main du sélectionneur.
Il n’a pas eu le temps de mal contrôler une passe. Il n’a pas eu le temps de tacler. Il a à peine eu le temps de transpirer. Son plus grand exploit a été d’entrer sur le terrain sans trébucher sur la planche du quatrième arbitre.
Et le comble ? La chute qui fait de ce rectangle de carton un objet tragi-comique ?
Il est parti. Pour le RC Lens. Libre de tout transfert.
Pas pour un montant record. Pas avec une conférence de presse larmoyante et une vidéo hommage. Son contrat, vraisemblablement rédigé sur une serviette en papier, venait d’expirer, et il a franchi le derby le plus acharné du football français pour rejoindre les Sang et Or sans que le club ne récupère le moindre centime.
Le voilà donc, dans ma collection par ailleurs impeccable. Ce n’est pas un double à échanger ; c’est une question philosophique en carton. Pourquoi existe-t-il ? Pourquoi Panini s’est-il donné la peine ? Son agent était-il aussi le coordinateur des stickers ?
Il est un élément incontournable de la surface. Il est le fantôme du festin, un rappel que pour chaque Eden Hazard sorti du centre de formation, il y a un homme qui a réalisé le rêve ultime – jouer ne serait-ce qu’une minute pour un club de première division – et qui s’est ensuite volatilisé, son héritage cimenté non par son talent, mais par une insignifiance sublime, presque artistique.
C’est le pire joueur de l’histoire du LOSC. Et c’est, sans aucun doute, la carte la plus précieuse de toute ma collection.

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